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10 ans de mariage: Qu’ont-ils de plus, ces couples heureux?

© Istockphoto - DR
Auteur de Qui sont ces couples heureux? (éd. Option Santé), Yvon Dallaire (photo en médaillon) constate une évolution de la façon de fonctionner des couples au fil des ans. Selon lui, tout couple peut et vaut la peine d’être sauvé. Pour ce faire, il partage de précieux outils.
Christian Willi

Qu’avez-vous appris de nouveau au cours de ces dix dernières années sur le couple?

Les recherches montrent que 70% des problèmes rencontrés par les couples sont insolubles. Le défi est donc d’apprendre à négocier des solutions gagnant-gagnant.
Dans le passé, la thérapie de couple était surtout basée sur la résolution de problèmes, à l’aide de la communication non-violente ou de l’analyse transactionnelle, devenues très populaires. La nouveauté, c’est le développement d’ententes sur les problèmes insolubles.

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Comment cela se passe concrètement?

L’observation des couples heureux a démontré que les couples mettaient rarement en pratique les conseils des conseillers conjugaux. Les couples heureux sont en règle générale plus intentionnels. Ils n’ont pas renoncé à se parler en «tu». Mais après le «tu», ne vient pas un reproche, mais un compliment. Les couples heureux se font cinq à dix fois plus de compliments. Ils sont capables de remplacer les reproches par des compliments. Du style: «Mon amour, tu es en retard… j’avais hâte que tu arrives.» En communication non violente, le conjoint aurait dit: «Je me sens en colère, car je ne me sens pas important.» Cela demeure une critique. Cette technique n’est pas facile à apprendre. En effet, lorsqu’on est dans l’émotion, le cerveau lymbique est déconnecté du cerveau cortex, rationnel. Les neurosciences confirment qu’il n’y a pas plus impoli que deux personnes qui s’aiment. Seuls les 20% de couples heureux ne vont jamais franchir un seuil d’escalade de violence verbale et vont surtout réussir à désamorcer leur escalade.

Quelles projections différentes faisons-nous sur la vie de couple en 2021, par rapport au passé?

J’ai récemment regardé un documentaire sur une chaîne canadienne. Des personnes, la vingtaine, aux profils très différents ont été questionnées. La dernière question qui leur était posée était la suivante: «Comment vous imaginez-vous à trente ans?» Tous, y compris la jeune femme qui avait multiplié les conquêtes, ont dit qu’ils aspiraient à être en couple traditionnel. Le rêve du couple reste la manière stratégique d’arriver au bonheur. Même s’il reste parsemé de problèmes insolubles et de moments difficiles.

Quelle est aujourd’hui la proportion des couples heureux?

Tous les couples sont heureux le temps de la séduction… qui dure de trois mois à deux ans. Ensuite, vient la lutte de pouvoir, suivi du partage du pouvoir. Certains couples vont passer par une alternance du pouvoir. D’autres vont développer des règles de jeu communes et donc réussir à partager le pouvoir. Les couples heureux possèdent leur propre culture conjugale.
On considère qu’au total, 40% des couples sont heureux. Durant un premier mariage, 20 % des couples sont heureux. Après les étapes de la lune de miel et de la lutte de pouvoir, nombreux sont ceux qui se résignent et se soumettent pour que leur vie de couple puisse se poursuivre. 75% des couples engagés dans une deuxième expérience conjugale vont connaître à nouveau la séparation. Mais 25% réussissent et sont heureux. 15% lorsqu’il s’agit de la troisième union.

Comment mesurer la solidité de son couple?

Dans un couple, il y a en réalité quatre personnes: deux amants intimes et deux ennemis intimes. Les couples heureux vivent 80% du temps en amants, 20% en ennemis. Ils évitent les critiques et ont développé des stratégies de désamorçage. Cela passe par un report d’une discussion difficile par exemple. J’ai développé un test de vingt-cinq questions pour évaluer le bonheur du couple que l’on trouve sur mon site internet.

On évoque souvent ces années clés, trois ans, sept ans, etc. Parle-t-on de superstition ou d’obstacles avérés?

Ces données sont basées sur des données statistiques. Pour les couples mariés avant 1990, l’année charnière était la septième année de mariage. Pour ceux qui se sont mariés après 1990, cette année charnière arrive après quatre ans et demi de mariage. C’est le moment où l’on découvre vraiment qui est l’autre, la désidéalisation. Et souvent, cette période correspond suivant à l’arrivée du fruit de l’amour, le premier enfant, qui vient transformer la dynamique du couple.

Les couples heureux se font cinq à dix fois plus de compliments

Est-il possible d’éviter l’échec conjugal?

Oui, c’est possible, 20% y arrivent. La plupart sont des couples qui se sont rencontrés relativement tôt. Mais l’allongement de l’espérance de vie fragilise «l’espérance de vie» du couple. Encore une fois, pour réussir sa vie de couple, il est conseillé d’apprendre et d’appliquer des stratégies de désamorçage. Je dis aux couples qui me consultent qu’il y a en réalité trois possibilités. La soumission, la séparation ou la révolution (arrêter de faire ce qu’ils font et qui les a poussés à recourir à un thérapeute conjugal).
Tout couple peut et vaut la peine d’être sauvé. Mais pas à n’importe quelle condition. Pas au prix de renier qui on est. On devrait grandir en amour. Et on peut y arriver en mettant en pratique ce qu’on a appris. A la lune de miel, je découvre mon amant, à la lutte de pouvoir, je découvre mon ennemi. Ensuite on fait la paix dans une troisième étape et on se met à travailler ensemble pour la réalisation de chacun, personnellement, conjugalement, professionnellement.

Quel est le plus gros défi pour une femme dans la vie de couple?

Dans un de mes livres, j’écris ce que les femmes doivent savoir sur les hommes, ce qu’on aime chez elles, mais aussi ce qu’elles doivent arrêter de faire, comme de prodiguer des conseils non sollicités.

Quel est le plus gros défi pour un homme dans la vie de couple?

J’ai également conseillé aux hommes de mieux connaître les femmes, ces êtres très peu différents de nous, un seul chromosome de différence. Cela représente 2, 17% de différence. Parmi les choses qu’ils doivent apprendre, c’est notamment qu’on n’achète pas la paix avec le silence. C’est humain, même animal: lors d’une escalade verbale, de violence, à un moment donné l’un se tait, s’éloigne. Et c’est en général ce que les hommes décident lorsqu’ils voient que leurs arguments ne portent pas. Il faut dire qu’en matière de communication et d’expression des émotions, les femmes ont souvent l’avantage. Le silence calme l’homme, alors que chez la femme il suscite des scénarios catastrophes.

A vous écouter, cela a l’air très simple…

Après quarante ans de conseil conjugal et mis à part 4-5% des couples rencontrés, j’observe que les deux conjoints sont toujours aimants, de bonne foi. Le hic, c’est que la majorité sont ignorants des petites différences qui existent entre les hommes et les femmes et des dynamiques inévitables de la vie à deux. En réalité, il s’agit d’arrêter ce qui ne fonctionne pas et d’adopter les méthodes des couples heureux.

Pourquoi continuons-nous à croire à l’amour pour la vie, au mariage dans un contexte où le nombre de divorces demeure élevé?

Les sociologues prédisent encore une augmentation des séparations, des divorces. Et pourtant, la vie de couple demeure la meilleure des stratégies pour être heureux. Mais pas en associant l’amour à la passion. Cette dernière est vraie au début. C’est une impulsion mise par la nature dans la vie humaine qui nous pousse à nous intéresser aux autres pour la survie de l’espèce. L’amour, c’est une création humaine pour maintenir le couple ensemble, car notre progéniture a besoin de vingt ans de développement pour arriver à l’âge adulte. L’amour se construit au fur et à mesure.

Magazine Family

Article tiré du numéro Family 4/21 Novembre 2021 – Janvier 2022

Dossier: 10 ans... à deux, on va plus loin
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