Le dernier round

C’est ce moment de la journée où l’on a envie de s’affaler dans le coin du ring, ou plus précisément, sur ce joli canapé qui nous attend. On vient de fournir un effort certes routinier, mais qui nous a semblé une montagne: cuisiner un repas, gérer les interactions à table, nous relever de notre chaise en résistant à la forte envie de nous plonger dans toute une série de reels sur Instagram, ranger et nettoyer toutes les casseroles qui trônent sur le plan de travail. Mais la journée n’est pas finie. Il reste le dernier round: le coucher des enfants.
J’ai parfois envie d’expédier ce dernier round, faute d’énergie. «Ce soir, c’est juste bisou-dodo, hein mon cœur? Maman est crevée.» Mais ce dernier round, c’est l’un des rounds les plus importants pour eux, et les années me l’ont bien montré. D’une manière ou d’une autre, ils le font durer, mettent leur pyjama comme s’il s’agissait d’une combinaison de cosmonaute très complexe à enfiler, se promènent dans l’appartement la brosse à dents dans la bouche, convaincus que cela lave leurs dents par radiation.
Mais c’est aussi le moment de la journée où ils s’ouvrent comme jamais. C’est là qu’ils nous glissent des mines d’informations sur ce qu’ils vivent la journée, alors qu’on s’allonge à côté d’eux (et que l’on considère sérieusement dormir là). Ce temps de lecture, de chatouilles, de prière, de chanson, de partage s’avère souvent un pur trésor. C’est là qu’ils nous posent les questions les plus surprenantes et importantes. C’est là qu’ont lieu les têtes à têtes avec chaque enfant. C’est là qu’ils nous donnent ces câlins tant attendus, qu’ils font le plein affectif et nous aussi. Le dernier round demande parfois une énergie de fou. Mais il contient parmi les plus beaux moments.
